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C'est en insistant sur cette portion 1400 - 1600, de notre «Histoire du Charolais» vraiment peu connue et qui fut pourtant, la période de son «Aventure Diplomatique Européenne» unique en France (cf. Le Charolais, une entité originale  HG.web du 1° nov. 2001) que la chance nous a souri.

 

Aux dires des spécialistes, notre Comté de Charolais, trop «petit», trop «pauvre» et trop «isolé», est resté à l'écart des enjeux universitaires, qu'ils aient été de Dijon (200 km), de Lyon (150 km) ou de Clermont-Ferrand (200 km), villes où étudient la plupart des étudiants issus de notre terroir. A moins qu'un lecteur averti ne vienne nous apporter la preuve de notre erreur.

 

Aussi lorsque les Archives Départementales 21, de Dijon, nous ont annoncé qu'elles disposaient, pour nous, d'une série de 6 cerches de feux, allant de 1393 à 1543, nous sommes restés circonspects.

 

Très vite cependant, les principales difficultés de lecture surmontées (il en subsiste encore !) avons-nous perçu le «trésor» qui nous était offert.

LES CERCHES DE FEUX DE BOURGOGNE

Le terme «cerche» racine de notre «recherche»  de feux, donc de foyers ou de familles, est en réalité le raccourci de «rôle de cerches» (ou rolle ou roolle !) c'est-à-dire de registre de recensement où les paroisses rangées, en 14 grands groupes dits, Comtés, Bailliages, Châtellenies voire Baronnies, enregistrent, pour des raisons fiscales, tous les chefs de familles, selon les mandements de la Chambre des Comptes de Dijon.

 

Beaucoup de ces cerches ont disparu (conséquence des aléas des 7 siècles écoulés). Celles qui nous restent vont de 1285, pour le Beaunois, à 1543, pour les plus nombreuses. Et même, 1576, pour le Pays de Gex, alors bourguignon. Les «élus» des 3 Etats, (entendre ici, Noblesse, Clergé et Tiers Etat) assignaient à des commissaires spéciaux, le soin de recueillir des éléments descriptifs sur les diverses localités et sur leurs habitants. Ces éléments d'ailleurs, ont varié avec les époques. La cerche après avoir été exploitée par les élus de ces 3 Etats de Bourgogne, était jointe par le Receveur de l'impôt comme pièce de justification, au compte que ce dernier devait présenter à la dite Chambre, laquelle en assurait ensuite la conservation.

 

La cerche de 1393 ne retient que les noms et prénoms des chefs de feux, groupés par possesseur, dans chaque paroisse. Mais, et cela est très important, ledit commissaire doit séparer encore les feux, selon s'il s'agit d'un feu franc, taillable ou abonné et en précisant à chaque fois, s'il est jugé, solvable ou non !

 

Nous ne saurions terminer cette brève présentation de ces enquêtes fiscales, sans vous faire goûter l'euphémisme de la formule suivante: «pour la levée de 120 000 francs octroyés au Duc par les Etats du duché». Comme si la générosité des «élus» allait jusqu'à précéder l'appétit du Suzerain.

 

Précisons encore : ces enquêtes, fiscales, excluaient «les personnes engagées dans les Ordres religieux, les Nobles vivant noblement (sic) et les Officiers du Duc». 

LES 6 CERCHES DU CHAROLAIS

Elles datent de 1393, 1397, 1406, 1407, 1475 et 1543.

 

Si les 4 premières relèvent les mêmes éléments, celle de 1475 n'affiche plus que les feux classés par hameaux pour chaque paroisse. Tous les chefs de familles sont devenus «francs» ; une décision royale de Louis XI, qui aurait ainsi été appliquée en terre de Bourgogne, alors ennemie étrangère...

 

Plus significative est celle de 1543 car elle détaille davantage : chaque chef de feu doit donner son nom, son prénom, son métier, qu'une appréciation complète encore : «Riche, oppulent (sic), pauvre, vivant de ses journées, de ses brassées, vivant pauvrement, mendiant son pain, sa vye». Pour succinctes qu'elles soient ces formules apportent un certain éclairage comparatif qu'il faut néanmoins manier avec prudence. L'appréciation est de fait, partiale donc relative mais presque toujours c'est le même commissaire qui aura inspecté toutes les paroisses d'un même registre.

 

Les métiers ne figurent qu'en ce milieu du 16° : aucune comparaison possible alors ? La perspective devra être différente : la comparaison ne sera possible qu'entre groupes de paroisses de situation géographique distincte. Les terres «riches» notent timidement, des métiers du «bâtiment» ou du «vêtement» voire de l' «amusement». L'intérêt du grand public se portera davantage sur un autre aspect de nos cerches. Les patronymes en milieu rural présentent encore cette lisibilité où les familles ou du moins, le nom des familles se fixaient au terroir ; certains enfants partaient mais une souche masculine restait et de génération en génération. Quelle surprise d'annoncer à certains que leur nom était déjà là, voici 500 ans ! Bien sûr, l'incertitude tamise toute affirmation : ceux d'aujourdhui, sont-ils bien les descendants de ceux-là ?

 

Vouloir comparer globalement les nombres d'habitants à ceux de 2010, ne serait que d'un intérêt second puisque 7 siècles d'écart peuvent cacher des évolutions contraires qui se seraient annulées. Près de 20 000 hab, en 1393 (puisque le Charolais était annoncé pour 3980 feux) et près de 100 000 en 2010, sur le même ensemble. Comparer les nombres de certaines paroisses, en interne, frapperait davantage. Pour incertaines que soient ces quantités de feux, elles sont là et elles nous donnent cependant des ordres de grandeur.

 

Autre volet surprenant et qui peut être accepté. Quand, après avoir décrypté les sous-catégories de possesseurs, nous découvrons que plusieurs d'entre eux, l'étaient sur plusieurs paroisses et même plus rarement sur beaucoup de paroisses. Certes, ce roturier aussi «riche» que le plus «puissant» seigneur de son temps, n'a laissé aucune trace à ce jour, connue. Mais cet autre «petit escuyer» n'a-t-il pas donné son nom à ce hameau, à moins que ce ne soit l'inverse. Plus probant encore : cette Communauté (Prieuré ou Commanderie) a laissé des vestiges où les Journées du Patrimoine ont plaisir à diriger les touristes du canton. La dite Communauté dont nous retrouvons même le prénom des manants et les lieux où ils œuvraient et où nous admirons encore un portail roman et des fenêtres à meneaux de belle facture, fait encore parler d'elle par les légendes qu'elle a suscitées.  Les essarts si convoités jadis ne sont plus de nos jours que souvenirs diffus. Tout cela apparaît plus lentement encore, que l'ancien papier du photographe, dans son bain de révélateur.

 

En résumé, quelle meilleure image que ce cliché : "La cerche permet de feuilleter le passé de notre Charolais". ? Attention, toutefois, ces pages frêles peuvent faire naître encore des légendes que tout chercheur averti devra éviter.

 

Enfin, lâchez 1393 et prenez 1543. Fermez les yeux. La magie opèrera : vous allez réveiller des milliers de petites gens que rien n'avait destiné à sortir de ce Charolais enténébré depuis si longtemps.

Documents tirés de ces 6 cerches ...

Documents 1 et 2 :

Mention anodine pourrait susciter quelque émoi : «Joux» répété dans les 4 premières cerches, démontre que le chef-lieu de canton, n'a été christianisé que tardivement. Et pourtant, un chercheur local, érudit, assurait l'inverse, vers 1900,  à l'aide des mêmes documents.

Document 3 :

Carte montrant une forte chute démographique vers 1400. Alors, peste ou pas peste ?

Document 4 :

Exemple de 3 grands possesseurs du Sud du Comté vers 1400.

Document 5 :

Naissance d'un patronyme ... à la ligne 7.

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